Capitalisme et développement humain

Bernard Maris, dans son « antimanuel d'économie »1, livre des analyses riches sur le plan technique et philosophique du modèle économique dominant. Pour lui, « le capitalisme trouve ses racines dans l'illusion de la vie éternelle .... La vie sociale du capitalisme est un investissement sur le temps et non sur les hommes. Et à la fin d'une vie vouée à l'accumulation et à l'argent se trouve la gratuité absolue : la mort. Un linceul n'a pas de poches. Dans cette quête d'éternité de l'homme, c'est l'argent qui devient éternel».

L'exemple du confiturier de Keynes est une parabole amusante : « C'est un homme hanté par la mort, angoissé, qui projette l'intérêt dans l'avenir, refusant la jouissance présente, repoussant perpétuellement l'acte de vivre pour s'assurer une immortalité illusoire. Pour lui, la confiture n'est pas de la confiture, à moins qu'il ne s'agisse d'une caisse de confitures pour demain et jamais une confiture pour aujourd'hui même. Ainsi, en rejetant toujours sa confiture loin dans l'avenir, essaie-t-il d'assurer l'immortalité à son acte de confiturier. Ce confiturier n'est autre que le thésauriseur de Marx, qui n'a d'intérêt que pour la richesse sous sa forme sociale. Il veut la marchandise sous la forme qui la rend constamment apte à la circulation et c'est pourquoi il la retire de la circulation ».

Selon Albert Camus, « nous ne vivons pas pour ce jour, mais pour demain, quand je serai libre, riche, grand, de retour etc. Or demain c'est la mort ». C'est aussi l'absurdité complète que pointent les Cyniques « Que risques tu ? Mourir ? Alors tu ne risques rien ». A l'extrême inverse se trouve le personnage de Don Juan : « Désargenté mais grand seigneur, Don Juan refuse l'accumulation d'argent et accumule les conquêtes. Non seulement il n'a rien, mais il n'est rien. Comme le dit Albert Camus, il a choisi d'être rien ».